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Le suicide et la tentative de suicide, chez les enfants de moins de 13 ans
En France,
D’après le dossier Urgences 2013 – Société Française de Médecine d’Urgence (SFMU) – par le Dr C. Delamare, pédopsychiatre,
Service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, Hôpital Nord, CHU de Saint-Étienne.
Les points essentiels cités par le docteur Delamare :
Le phénomène des comportements suicidaires de l’enfant et du jeune adolescent reste probablement sous-estimé. Il existe un risque de sous-estimation des suicides, en général, de l’ordre de 20 % qui tient notamment à la difficulté d’identifier avec certitude l’intentionnalité de l’acte.
Le nombre de comportements suicidaires augmente avec l’âge, surtout à partir de la préadolescence et du début de l’adolescence.
L’enfant appréhende les concepts de mort et de suicide différemment de l’adulte, en fonction de son niveau de développement cognitif et psychoaffectif ainsi que par l’influence de son environnement.
La prévention commence par la reconnaissance de l’enfant en souffrance, le diagnostic du comportement suicidaire et l’évaluation des facteurs de risque par les professionnels de l’enfance.
Les conduites suicidaires chez l’enfant révèlent toujours une accumulation de facteurs de risque qui peuvent être d’ordre individuels et/ou familiaux et/ou sociaux.
La plupart du temps, les conduites suicidaires de l’enfant ne sont pas rattachées à une pathologie psychiatrique.
Lorsqu’elles existent, les pathologies les plus souvent diagnostiquées chez l’enfant suicidant sont la dépression et les troubles du comportement (trouble des conduites/trouble déficit de l’attention/hyperactivité).
La reconnaissance de l’intentionnalité de l’acte de la part de l’entourage familial et/ou des professionnels de l’enfance se confronte encore parfois à une idéalisation de l’enfance.
Les idées suicidaires (IS) et menaces suicidaires sont relativement courantes chez l’enfant notamment dans la tranche d’âge des 6-12 ans mais ne sont pas toujours associées à des comportements suicidaires ni à une psychopathologie.
Pour certains chercheurs, les comportements auto-agressifs précoces, que l’intention suicidaire soit exprimée ou non, sont considérés comme un facteur de risque de comportements suicidaires. Les scarifications seraient plus particulièrement associées à un risque de suicide ultérieur. L’évaluation des comportements auto-agressifs, quelle que soit l’intentionnalité suicidaire de l’acte, devrait être systématique.
Le concept de mort n’est pas appréhendé par l’enfant de la même manière que par l’adulte. De nombreux travaux concluent que l’idée d’irréversibilité dans la mort comme l’idée de vie est acquise, au cours de la période de latence de 6 à 10 ans.
Avant 6 ans, l’enfant n’a pas de représentation précise de la mort. C’est vers 6 ans que l’enfant distingue la mort du sommeil et vers 8 ans que la notion d’irréversibilité est acquise.
La notion d’inconnu après la mort est acquise beaucoup plus tardivement, et confère à la mort sa charge anxieuse et mystérieuse à l’origine des différentes représentations culturelles de celle-ci.
La maturité du concept de mort est liée au niveau de développement cognitif et affectif de l’enfant, plutôt qu’à l’âge chronologique.
Les enfants développent une compréhension du suicide par 3 sources : les discussions avec les enfants plus âgés, par les adultes ou la télévision, et enfin par l’acte suicidaire d’un membre de l’entourage (d’autant plus que cette personne est investie affectivement par l’enfant).
Les phénomènes de mimétisme, d’identification de la part de l’enfant, sont importants à prendre en compte.
La dimension suicidaire des conduites dangereuses de l’enfant reste plus difficile à cerner (« accidents » et comportements « casse-cou »). Ceci est d’autant plus complexe que l’enfant est jeune. En effet, un certain nombre d’accidents de l’enfant, plus particulièrement ceux à répétitions, doivent faire penser à des équivalents suicidaires, et nécessiteraient aussi des investigations d’évaluation plus poussées.
Il est intéressant de noter à ce propos que les principales causes de décès parmi les 5/9 ans et les 10/14 ans sont les « causes extérieures de traumatismes et empoisonnements », « causées d’une manière indéterminée quant à l’intention ». Nous pouvons supposer qu’un certain nombre d’entre elles seraient des suicides non reconnus.
Une des caractéristiques de la conduite suicidaire chez l’enfant est l’existence d’un très court intervalle stress/suicide. L’acte est moins souvent planifié et l’intentionnalité suicidaire moins marquée que chez l’adolescent ou l’adulte.
Le geste suicidaire est généralement impulsif et réactionnel à un évènement de vie qui semble le plus souvent anodin. L’évènement déclencheur peut être une simple réflexion, une réprimande faite par un parent, un copain ou l’instituteur, qui a suscité, aux yeux de l’enfant, le sentiment d’avoir déçu.
L’accumulation d’adversités durant l’enfance est fortement corrélée aux tentatives de suicide durant l’enfance (4/12 ans).
Le genre joue un rôle dans l’expression des comportements suicidaires surtout à partir du début de la puberté. La fille a plutôt tendance à exprimer sa souffrance sous des formes internalisées (mouvement dépressif avec tendance au repli, inhibition…) tandis que le garçon l’exprime plus facilement par des formes externalisées.
Les idées suicidaires (IS) des moins de 15 ans :
La précocité des idées suicidaires (c’est-à-dire avant 15 ans) est le signe de difficultés graves.
Les facteurs de risque par identification aux états affectifs et aux comportements des parents :
— Les perturbations familiales,
— Les antécédents de pathologie psychiatriques des parents (dépression, tentative de suicide, suicide, trouble de la personnalité, alcoolisme…)
— Perception par l’enfant d’un « support familial faible »
Les moyens utilisés par les enfants :
— Intoxication médicamenteuse volontaire (IMV),
— Cause extérieure de traumatisme,
— La pendaison,
— La défenestration,
La prise en charge de l’enfant suicidant :
— Évaluation bio-psycho-socio-familiale,
— Temps d’hospitalisation en service de pédiatrie,
— Recours à un traitement psychotrope,
— Évaluation d’un plan de sortie adapté,
— Suivi psychologique et/ou pédopsychiatrique en ambulatoire.
Facteurs de protection des comportements suicidaires de l’enfant :
- Confiance en soi, estime de soi,
- Système familial (cohésion, adaptabilité, communication),
- Capacité d’adaptation et de communication,
- Investissement scolaire et/ou extrascolaire positif,
- Schéma de pensée positif et centré sur l’avenir,
- Soutien familial (capacité d’empathie et de réassurance),
- Relations familiales positives,
- Relations amicales positives,
Les contraintes
— Prendre en compte le déni de la famille sur l’intentionnalité de l’acte, plus facilement attribué à un accident (inconscience ou imprudence),
— Faire entendre la souffrance de l’enfant sans culpabiliser les parents,
— Soutenir et informer la famille.