Une culture de prévention du suicide, c'est à dire ?

 

Pourquoi développer une culture de prévention du suicide ?

Nous pensons que la préservation de la vie est l’affaire de tous !

C’est à partir de ma propre expérience que j’ai bâti la volonté qui m’anime aujourd’hui, de développer une culture de prévention du suicide. 

I.T Supreniro.  
 

 

Qui n’a pas subi dans sa vie : une crise existentielle, une rupture familiale, amoureuse ou professionnelle douloureuse, ou fait face à la maladie, ou encore au handicap ? Harcèlement moral, scolaire, ou sexuel ; violences familiales ; indigence ; abandon ; la liste est longue… qu’ajouteriez-vous que j’ai pu omettre ?

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Si la fragilité de notre intégrité physique et morale est si commune, comment se fait-il que l’on se sente si seul dans ces périodes troubles ?
La réponse pourrait être :
Parce que nous apprenons dès l’enfance à masquer, brider nos émotions et nos besoins personnels.
Parce que « cela » ne se dit pas, ne se montre pas.

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Quels sont les premiers mots échangés lorsqu’on entre en communication avec un autre ?
— Comment vas-tu ?
— Bien ! très bien, et toi ?
— Super ! Ça roule.
Il y a des personnes qui entrent en contact avec un autre ainsi :
— Comment ça va bien ?
— … (vous me l’ôtez de la bouche !)
À la question :
— Comment vas-tu ?
Il est tentant de répondre, lorsque l’on ne va pas bien et que l’on est épuisé par la souffrance, d’avouer :
— Je vais mal.

Il y a inévitablement un état de choc furtif durant lequel, l’autre doit rapidement choisir entre deux alternatives : entrer véritablement en relation avec vous, ou bien rester superficiel. À cet instant, l’autre vous jauge, vous regarde et décide, en une fraction de secondes, s’il est en capacité et s’il a la disponibilité, pour vous écouter.

Nous n’avons pas appris à entrer en relation avec quelqu’un qui souffre. Sauf si nous y sommes autorisés par un certificat ou un diplôme : psychologue, psychiatre, thérapeute, association d’aide et d’écoute.

Parce que notre société considère encore, que la souffrance morale est pathologique et doit être traitée comme une maladie.
Parce qu’il est admis que notre souffrance est de notre responsabilité et que de s’en défaire relève de notre personne.

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Dire que l’on ne va pas bien, peut encore être un aveu de faiblesse.
Malgré cet état de fait, la prévention et la gestion de la souffrance morale, ne sont pas enseignées par nos éducateurs.
Pourtant la douleur est contextuelle. Nous ne sommes pas génétiquement programmés pour souffrir sans motif.
Qui ne s’est pas vu prescrire anxiolytiques, anti dépresseurs alors qu’il traverse une contrariété, un surcroît de travail, une rupture, un deuil ?
Qui n’a pas eu besoin de recourir aux services d’un professionnel pour se permettre simplement de parler de lui ?
Que faisons-nous de notre part de nous, qui ressent des émotions négatives, de la fatigue, de la souffrance morale, dont les besoins sont bafoués ?
Nous la masquons le plus souvent, n’est-ce pas ?
Pourquoi ?

Et s’il était possible d’apprendre, dès l’enfance, à reconnaître ses émotions, les nommer, identifier ses besoins et faire les demandes correspondantes pour les satisfaire [1]?
S’il était possible de savoir que l’on peut obtenir de l’aide pour combattre ses peurs, ses doutes, ses culpabilités, les violences, les abus, le harcèlement que l’on subit ?
Serions-nous mieux armés pour faire le choix de vivre ?

Souffrances morales ou physiques, ces périodes de profonde remise en question du sens de la vie, nous amènent parfois à nous transcender, à nous révéler tels que nous sommes, mais parfois, elles conduisent au désespoir.

Le manque d’informations et le déni social, familial, contextuel affectent dangereusement les probabilités de faire résilience.

Ce désespoir est un moment crucial de notre existence où l’on sent bien que tout peut basculer en une seconde. À quoi se raccrocher quand plus rien n’a de sens ?

Image par Gordon Johnson de Pixabay

Albert Camus, dans Le mythe de Sisyphe, le traité de l’absurde, pose la perte de sens de la vie, comme la condition sine qua non aux pensées suicidaires.
Dans un effort instinctif de survie, nous donnons le change, nous nous perdons dans une suractivité, une sur adaptation, nous n’écoutons pas les signaux d’alerte de notre corps, nous ne dormons plus, nous courons, nous y ajoutons des activités qui n’ont pour but, que de nous faire oublier notre souffrance.

L’alcool, la drogue, les anxiolytiques, le sport intensif peuvent être des substituts vicieux ou des évitements dangereux à notre mal-être.
Parfois nous nous lançons dans un programme de développement personnel, convaincus que nous n’avions pas la bonne méthode pour atteindre le bonheur et qu’il s’agit de l’apprendre.

Image par Clker-Free-Vector-Images de Pixabay

Et alors, nous espérons, pouvoir enfin réaliser nos ambitions professionnelles, atteindre nos rêves les plus secrets. Nous voulons vivre, vivre, vivre !
Qui n’a pas fait l’expérience de la désillusion ? Vous savez, cette différence qui existe entre la réalité et nos projections, nos rêves.
Georges Brassens la chantait très justement dans sa chanson les Lilas « le temps va passer par là, et le temps est un barbare, dans le genre d’Attila ».
Le temps, celui que nos amis invoquent pour nous consoler. « Tu verras, avec le temps ça passera ». Celui qui nous rend excusables de n’être plus aussi performants, beaux, alertes. Celui qui explique pourquoi nous ne pouvons avoir tout et tout de suite.
Chronos abîme ou sublime tout ce qui compte avec lui.

Mais, laisser faire le temps, c’est se démunir de notre responsabilité à prendre soin de soi.

 

Alors bien sûr, puisque chacun de nous, a vécu ces moments douloureux où l’on se fige, seul face à l’insurmontable, par choix pour protéger nos proches, ou par le contexte. Ces instants où aucun mot ne peut être dit, où demander de l’aide est impensable, chacun de nous a découvert que nous avions au plus profond de nous, des ressources inconnues pour faire résilience et poursuivre sa vie, parfois sans rien montrer de nos tourments.

Car il est mal vu de montrer ses faiblesses. Notre société fonctionne sur le modèle de la sélection naturelle où seuls les plus forts auront leur place, quand il n’est pas tout simplement dit que les plus faibles périront.

Combien sommes-nous, enfants subissant des violences familiales, du harcèlement scolaire, femmes et hommes victime d’injustices et de l’imperfection de notre monde matérialiste à ne pas pouvoir exprimer tout notre potentiel, soumis que nous sommes à l’adversité qui nous « pompe » toute notre énergie ?

Quel pourcentage de la population mondiale peut dire que ses besoins fondamentaux sont couverts ? Qui est en capacité de donner le meilleur de lui s’il a faim, froid, est en insécurité ?

En remettant en question le sens de notre vie, face aux épreuves qui sont les nôtres, nous réalisons, que nul d’entre nous n’est épargné par la douleur, la maladie, la souffrance, le deuil, l’injustice. Nous comprenons que tout ce qui nous entoure de matériel et de tangible n’a pas plus de constance que le souffle qui sort de nos poumons et qui s’arrête un jour.

Alors ?

Quel est le sens de la vie ?

À quoi se raccrocher lorsque l’on a tout perdu, ou que l’on souffre beaucoup trop ?

Qu’implique de mourir ?

Image par Colin Behrens de Pixabay

Là, peut commencer un parcours d’individuation au sens définit par C.G. Jung. C’est-à-dire, qu’est ce qui me différencie de mes congénères ? Qu’est ce qui fait que j’existe et qui me relie à quelque chose de plus grand que moi ?
Les exemples de proches, voisins, amis, qui ont su se révéler, se transcender, dépasser un épisode douloureux sont légions.
Nous avons tous en tête un moyen, auquel nous raccrocher parfois, pour nourrir notre espérance en un lendemain meilleur. Nous tenons bon et nous transcendons. C’est gagné !

Ces petites graines d’espérance, plantées dans notre esprit, viennent le plus souvent d’un mot qui nous a été dit, d’un geste délicat à notre attention, du sourire d’un inconnu qui nous est adressé, d’un regard bienveillant et confiant en nous, d’une oreille attentive ou encore d’une connexion particulière avec la nature. Ainsi nos cinq sens sont la porte des stimuli qui alimentent notre élan vital.

Consciemment ou inconsciemment, nous avons tous été celui ou celle, qui un jour, a su donner une raison de vivre supplémentaire à un individu pour qui ce désir ne tenait plus qu’à un fil.

Qu’est ce qui fait que l’on choisit de vivre ?

Car vivre est bien un choix. Nous avons tous, la toute-puissance de mettre fin à l’homéostasie de notre corps. Dès l’âge de raison, estimé à environ 7 ans dans notre civilisation occidentale, l’être humain à la conscience de la fragilité de son existence et de l’irréversibilité de la mort.

[1]La Communication Non Violente, Marshall Rosenberg